LŽouverture de JPII

Publié le par Christophe Moreau

Le signe de Jean-Paul II aux conservateurs (04/09/2000)
Jean Paul II a béatifié hier Pie IX et Jean XXIII. Les deux souverains pontifes s’ajoutent à une liste de 86 papes, sur 264 qui ont régné depuis saint Linus (67-76).
Quelque 100 000 personnes ont rendu hommage à Rome à Jean XXIII. La municipalité avait annoncé la fermeture aux voitures des accès à la place Saint-Pierre " à cause de la béatification de Jean XXIII ". Le nom de Pie IX ne figurait pas dans le communiqué. Oubli volontaire ? On peut le supposer, tant la personnalité de Giovanni Maria Mastai Ferretti est source de polémiques. Car, si une quasi-unanimité, chez les chrétiens, salue le choix de Jean XXIII, Angelo Giuseppe Roncalli, l’annonce de la béatification du dernier " pape-roi " a réveillé la rancoeur des milieux progressistes catholiques, de la communauté juive d’Italie, et plus largement de tous ceux pour qui le nom de Pie IX est associé à obscurantisme et antisémitisme. Le souverain, qui connut le règne le plus long (1846-1878), est l’auteur, en 1864, du Syllabus, condamnant toutes les " erreurs du monde moderne ". Y sont flétris le rationalisme, le scientisme, le socialisme, le libéralisme. Le document rejette la liberté de cultes non catholiques et de la presse, la séparation de l’Église et de l’État, la liberté d’association, ainsi que les doctrines " niant la souveraineté temporelle des papes ". En 1870, il décrète " l’infaillibilité pontificale ", après avoir noyé dans le sang la jeune République romaine.
Le représentant de la communauté juive d’Italie, Enrico Modigliani, parle, s’agissant de la béatification de Pie IX, de " scandale ", en une année où " l’Église a fait l’effort de présenter des excuses pour le traitement des juifs ". La communauté n’oublie pas qu’en 1858 le pape avait fait enlever par la Garde suisse un jeune juif de six ans, Edgardo Mortara, pour " l’élever dans la foi chrétienne ". Vendredi, le postulateur, avocat de la cause de Pie IX, Mgr Brunero Gherardini, a affirmé qu’aucune trace sérieuse n’a été trouvée d’insultes contre les juifs prêtées à Pie IX, accusé de les avoir traités de " chiens ". Pour le prélat, la version selon laquelle le souverain pontife aurait constaté avec peine que les juifs " se comportaient " comme des " chiens " devant " l’ingratitude " de certains d’entre eux, était à retenir.
Jean XXIII, Angelo Giuseppe Roncalli, élu à l’âge de soixante-dix-sept ans, qui occupa le siège de saint Pierre de 1958 à 1963, apparaît aux antipodes de son pair en béatification. Défenseur du dialogue avec les non chrétiens, les non-croyants et le monde communiste, promoteur d’une " nouvelle attitude de l’Église catholique à l’égard du monde juif ", il est l’auteur, en 1962, de l’encyclique Pacem in Terris, appel à la paix adressé tout particulièrement au président américain John Kennedy et à son homologue soviétique Nikita Khrouchtchev. En prenant l’initiative du concile Vatican II, malgré l’opposition des conservateurs de la Curie, il aura marqué l’histoire de l’Église du XXe siècle. Vatican II décide de l’abandon de la soutane pour les prêtres, du latin à l’office, et reconnaît la liberté de religion et de conscience. L’image de Jean XXIII est, dès lors, liée à l’ouverture de l’Église sur le monde.
C’est pourquoi cette double canonisation apparaît, dans une volonté de conciliation de tous les courants, comme un pas en arrière. Défendant, hier, la décision, le pape a vanté les vertus d’un Pie IX qui " a toujours donné la primauté absolue à Dieu et aux valeurs spirituelles ". Pensée dans la lignée des appels récents à la jeunesse, ou de la condamnation de la contraception et de l’avortement.
Chaussant les mules de Jean XXIII, Jean-Paul II, rappelle que l’Église est ouverte sur le monde. Mais l’honneur rendu dans le même temps à l’un des papes les plus réactionnaires entache cette perception. Comme le refus de juger le pontificat de Pie XII, qui resta silencieux face à la Shoah et sous le règne duquel des milliers de criminels nazis s’enfuirent en Amérique latine, en bénéficiant de l’aide de l’Église croate, voire de dignitaires du Vatican. Et ce ne sont pas les efforts déployés par le secteur le plus réactionnaire de l’Église, pour obtenir la béatification de ce pape controversé, qui permettront de redorer le blason de saint Pierre. La tiédeur de l’" acte de repentance " de 1998 avait laissé amers ceux qui, catholiques ou non, attendaient une déclaration forte et sans ambiguïté. La béatification de Pie IX ajoute au trouble.

Publié dans pensamiento

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