Notre laïcité publique

Publié le par Christophe Moreau

La vie publique a longtemps été commandée en France par le principe de catholicité ; elle est désormais soumise au principe de laïcité. Avec lui, le rêve unanimiste – « tous catholiques », « tous émancipés » – a cédé la place à l’apprentissage d’une communauté diversifiée qui est le lieu d’une réconciliation limitée et d’une négociation permanente.  

 

Sur Dieu, sur la ou les religions, sur la place à leur reconnaître dans nos sociétés, chacun est libre de penser ce qu’il veut et de dire ce qu’il pense. Nous sommes en France : la liberté de conscience et d’expression n’y est pas un vain mot, mais un droit fondamental. En l’espèce, il ne s’agit pas seulement de préférences et de convictions personnelles, mais de la vie publique à aménager. Ces libertés reconnues doivent débattre et composer, précisément pour décider ensemble ce que sera cette place. Celle-ci a longtemps été commandée par le principe de catholicité ; elle est désormais soumise au principe de laïcité. Le premier est mort d’avoir été contesté depuis la Réforme ; le second est né, contesté par le catholicisme qu’il n’avait pas éliminé. La querelle de la catholicité est devenue notre querelle de la laïcité, à positions renversées : plus de quatre siècles avec un point d’inflexion à la Révolution française.  

 

Notre laïcité traduit un état culturel du corps social fondé sur un équilibre empirique où le rêve unanimiste « tous catholiques »,« tous émancipés » a cédé devant l’apprentissage d’une communauté diversifiée. Elle est le lieu d’une réconciliation limitée et d’une négociation permanente sur un fond de reconnaissance mutuelle et de désaccord ultime. Elle s’oppose à tout narcissisme : « L’autre est l’autre, nom de Dieu », comme aurait pu dire Maurice Clavel. Elle n’est pas « simple culture de la différence », parce que l’autre est d’abord mon semblable et que les désaccords avec soi-même ou avec les siens l’épargnent rarement.  

 

L’idéal d’une société laïque, ce n’est donc pas une parfaite neutralité : elle n’a pas à concilier des principes, mais des revendications dont chacune, à la limite, menace le principe même de son existence. Elle doit établir et maintenir la loi des parties entre elles, à l’encontre de tout groupe, de tout individu qui n’en veut que pour soi au nom de la vérité qu’il professe ou de la liberté qu‘il cultive. Elle cesse d’exister si elle doit régner sur la jungle et par la force, dompter des appétits sans retenue ou des rivalités sans pitié : elle suppose une certaine civilité des esprits et des mœurs.  

 

En revanche, il est vrai que, pour exister, elle a dû s’imposer : elle n’est pas le pur produit d’une évolution naturelle. Si elle bénéficie maintenant d’une légitimité acquise, elle porte encore la marque originelle de cette violence fondatrice dont la rémanence affecte nos débats actuels (en physique des turbulences, on parle de sensibilité aux conditions initiales).  

 

En réalité aucune démocratie n’est possible sans laïcité politique, et cette exigence est commune à tous les démocrates, qu’ils soient libres penseurs, chrétiens, musulmans ou israélites, c’est pour cette raison que nous devons défendre notre laïcité quand elle est affaibli ou en danger. 

Publié dans pensamiento

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C
Merci, Joyeux noel a toi aussi
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C
Joyeux Noël à toi Christophe et que notre combat fasse que  la laïcité s'impose encore et toujours plus en 2007.
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